Considéré comme le nouveau hub européen, l’Espagne connaît actuellement une transformation économique majeure grâce à la reconversion de ses actifs industriels en infrastructures logistiques et data centers. Cette dynamique, portée par des investissements internationaux massifs, illustre à la fois un tournant important pour le pays et des opportunités hors du commun pour les multinationales.
En compagnie de Philippe Chevassus, fondateur d’Opea Partners et expert du marché espagnol, nous allons découvrir le potentiel unique offert par la péninsule ibérique.
La renaissance des actifs industriels
Historiquement considérée comme l’usine de l’Europe, l’Espagne regorge d’actifs industriels désaffectés idéalement situés dans les régions autour de Madrid, Saragosse ou encore Talavera. Ces terrains, proches des métropoles et des transports, s’offrent aujourd’hui une seconde vie en devenant des infrastructures logistiques ou des data centers, soutenus par des investissements colossaux. Ainsi, ce patrimoine industriel important, longtemps mis de côté, trouve aujourd’hui un nouvel essor.
En plus d’être dotée d’actifs industriels dormants, l’Espagne à une position géographique stratégique. Situé au carrefour des câbles sous-marins transatlantiques, le pays constitue un territoire de transit des données entre les États-Unis, l’Amérique latine, l’Europe, et l’Afrique.
Selon Philippe Chevassus, “le troisième atout crucial est l’ensoleillement tout au long de l’année permettant aux grands projets, consommant énormément d’électricité comme les data centers, de pouvoir compter sur les énergies renouvelables.” Enfin, “l’Espagne est un pays de plus en plus innovant dans lequel les autorités investissent sur la digitalisation de l’économie et sur la mise en place d’une vraie infrastructure pensée pour accueillir ces projets d’envergure,” souligne le fondateur d’Opea Partners
Une destination qui attire les plus grands noms
Ces différents atouts expliquent l’engouement autour de cette destination. Les plus grandes firmes américaines se sont récemment implantées en Espagne, illustrant concrètement l’attractivité du pays. Les chiffres témoignent de ce dynamisme.
Par exemple, Microsoft a annoncé, début 2024, investir 2,1 milliards de dollars afin d’ouvrir une région cloud aux alentours de Madrid et un campus de data centers en Aragon. En octobre 2024, c’est au tour de Blackstone de déclarer investir 7,5 milliards d’euros dans un centre de données qui sera situé à Saragosse. Meta, anciennement Facebook, suit le mouvement, avec un investissement à hauteur d’un milliard d’euros pour ouvrir un méga centre de données, cette fois, à Talavera. Enfin, la médaille d’or revient à Amazon, qui a annoncé en mai dernier un investissement de plus de 15 milliards d’euros afin de développer un datacenter alimenté par les énergies renouvelables dans la région d’Aragon.
L’implantation de ces multinationales booste l’économie du pays à plusieurs niveaux. “La puissance électrique dédiée aux data centers devrait être multipliée par six d’ici 2026, atteignant 600 MW, selon l’Association des Data Centers en Espagne. D’autre part, ce secteur pourrait générer 77 000 nouveaux emplois et continuer à attirer des milliards d’euros d’investissements dans les années à venir,” confie Philippe Chevassus.
Opea Partners : un allié sur le terrain
Il y a 20 ans, Philippe Chevassus a créé une publication économique sur l’Espagne appelée Le Courrier d’Espagne se focalisant principalement sur les sujets d’investissements et d’immobilier. Fort de son succès, Philippe a décidé de lancer Opea Partners, un cabinet de brokerage destiné à détecter les actifs industriels off market et à les proposer à des fonds d’investissements. Ces terrains, exemptés de spéculations financières, sont particulièrement prisés des fonds d’investissement internationaux. Depuis six ans et grâce à un réseau important de propriétaires espagnols et d’industriels, Opea Partners a signé plus de 100 millions d’euros de transactions en identifiant et en repositionnant ces actifs auprès d’investisseurs basés à Amsterdam, New York ou encore Paris.
Le processus mis en place par Opea Partners est rigoureusement encadré. Il inclut une vérification des licences industrielles, des caractéristiques techniques du terrain et de la faisabilité des projets, suivie d’une présentation ultra-confidentielle aux investisseurs. En moyenne, une opération se conclut en deux mois, un délai extrêmement compétitif dans ce secteur.
Sur certains projets, Opea rentre directement comme investisseur quand il s’agit de produits de banque. Philippe Chevassus envisage d’ailleurs la création d’un fonds d’investissement franco-espagnol avec des partenaires financiers tant français que espagnols afin de faciliter l’accès à ces deals off market sur la péninsule ibérique.
Conclusion
“Pour conclure, il est crucial de souligner que l’Espagne est constituée de 17 régions se livrant une véritable bataille pour capter les investissements. Les régions espagnoles simplifient les démarches administratives et facilitent l’octroi de licence afin d’attirer l’implantation des projets d’envergure dans leur circonscription. Cet environnement, particulièrement proactif, pourrait placer l’Espagne devant des pays comme la France dans la course à la digitalisation,” conclut Philippe Chevassus.
La transformation des actifs industriels en infrastructures logistiques et en data centers démontre que la transition numérique repose, de façon paradoxale, sur des actifs tangibles, faisant de l’Espagne, un acteur central et un moteur économique pour l’Europe.