Oreillette au volant, la France découvre le Bluetooth

Interdire un morceau de fil électrique ne résout pas le problème : la distraction qui affecte tout conducteur se livrant à une conversation téléphonique.

Par Jacques Chevalier

Un seul mot : grotesque. Alors que la Sécurité routière fait des gorges chaudes de l’interdiction de tout système d’écoute filaire en conduisant dès le 1er juillet 2015 (téléphone, mais aussi, soyons clairs, musique ou radio), les Français vont enfin découvrir que des kits mains libres parfaitement légaux sont en vente libre chez les accessoiristes. La différence, le fil est supprimé et c’est par le canal des ondes que la conversation téléphonique arrivera jusqu’à votre oreille, par l’intermédiaire d’un petit haut-parleur.

Donc on interdit un morceau de fil électrique, mais on ne résout absolument pas ce qui est le fond du problème: la distraction qui affecte tout conducteur se livrant à une conversation téléphonique, avec ou sans fil. Mais comment interdire aujourd’hui ce qui est parfaitement légal et usité depuis des années à bord des voitures récentes, les constructeurs plaçant sur leurs derniers modèles des systèmes intégrés de téléphone mains libres parfaitement invisibles de la maréchaussée.

Répondant à la technique du Bluetooth, des kits disponibles dans le commerce pour un investissement à partir de 30 euros permettent de diffuser de la même façon en son d’ambiance au travers d’un petit haut-parleur, en général fixé sur le pare-soleil, tout échange téléphonique ailleurs répréhensible lorsqu’il passe par une communication filaire.

En Espagne, le système est interdit depuis 2003 et il aura fallu à la France attendre 12 ans pour faire la même chose que son voisin ibérique. Mais sans plus de succès puisque les équipementiers se sont emparés de l’affaire et proposent soit en première monte soit en accessoires un tel équipement Bluetooth.

100 m de plus à 130 km/h

Ce qu’on voudrait nous faire passer pour une mesure de prévention avisée n’est donc qu’un pitoyable tour de passe-passe, qui ne résoudra rien et notamment pas la perte d’attention provoquée par une conversation téléphonique. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, dans le plan d’action pour la sécurité routière (mesure n° 22), s’est appuyé sur des études sérieuses pour lancer à compter du 1er juillet 2015, cette mesure «interdisant aux conducteurs de porter à l’oreille tout dispositif susceptible d’émettre du son».

À cela une ou plusieurs bonnes raisons. Selon ses services : une conversation téléphonique isole le conducteur de l’environnement routier. Elle diminue de 30 % des informations enregistrées par le cerveau, de 50 % l’exploration visuelle de la scène routière. De ce fait, elle allonge les temps de réaction (+100 mètres à 130 km/h) et rend plus aléatoire la maîtrise des dépassements et des trajectoires (source : étude Ci2N pour la Fondation Vinci, septembre 2014). Bref, et on s’en serait douté, téléphoner en conduisant multiplie par trois le risque d’accident, et près d’un accident corporel sur dix est lié à l’utilisation du téléphone au volant (source : expertise collective ISTTAR-Inserm, 2011). Ne pas mélanger les genres au volant n’est pas superflu, d’autant qu’en cas de gros sinistre les assurances vont se débrouiller pour vérifier si, au moment des faits, l’un des protagonistes n’était pas au téléphone. En analysant les différentes conversations, il serait très facile à un enquêteur de vérifier l’implication du conducteur dans sa conduite.

Source : 20minutes.fr

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